La promesse de la biologie synthétique
La biologie synthétique n’est pas seulement une nouvelle frontière scientifique : c’est une force de transformation majeure, capable de redéfinir la médecine, l’agriculture, l’énergie et la durabilité environnementale.
Lors de SynBio Future, organisé pendant PARIS BIOWEEK par Genopole, Newfund, XAnge et RAISE Sherpas, les leaders du domaine ont exploré comment cette discipline pourrait remodeler notre monde d’ici 2050.
Le panel réunissant des visionnaires comme Andrew Hessel, Antoniya Georgieva. et Carlos Silveira a mis en lumière une question essentielle : « Le défi n’est pas seulement ce que nous pouvons créer… mais comment nous choisissons d’utiliser ce pouvoir « .
Au cœur de la discussion, un concept clé : l’intentionnalité – le design biologique conscient, éthique et orienté vers un objectif. Il s’agit d’aller au-delà de la faisabilité technique pour poser les questions fondamentales : Quels problèmes voulons-nous résoudre ? Pour qui ? Et avec quels effets secondaires potentiels ?
La biologie synthétique se trouve aujourd’hui à un carrefour similaire aux débuts de l’Internet. Là où les protocoles TCP/IP ont permis l’essor du numérique, leur ouverture a aussi entraîné des vulnérabilités. À l’heure où nous concevons des « protocoles vivants » fondés sur l’ADN, nous devons tirer les leçons du passé.
La nature est extraordinairement inventive : contrairement à une machine à cartes perforées, un système biologique évolue et réagit – parfois de manière inattendue.
L’intentionnalité : concevoir avec sens et responsabilité
Comment penser l’intentionnalité en biologie synthétique ? Nos trois intervenants ont offert des perspectives diverses mais convergentes : il s’agit d’ingénierie éclairée par la responsabilité et la vision à long terme.
Pour Antoniya Georgieva, l’intentionnalité implique d’intégrer cultures, réglementations, acteurs locaux – des décideurs aux agriculteurs – dans le design des innovations.
Andrew Hessel y ajoute l’importance d’inclure les écosystèmes et les économies locales. Concevoir des microbes produisant des biocarburants ne peut se résumer à un calcul d’efficacité.
Carlos Silveira, avec sa perspective bio-futuriste, invite à ne pas seulement imiter la nature mais à la renforcer de manière durable, équitable, alignée avec nos valeurs humaines et nos responsabilités envers les générations futures.
Un autre dilemme majeur est la tension entre innovation propriétaire et modèles open-source. Là où Internet s’est développé grâce à des protocoles ouverts, la biologie synthétique doit trouver un équilibre entre propriété intellectuelle et outils partagés.
L’objectif : rendre la biologie synthétique sûre, accessible et abordable, pour toutes et tous – et pas uniquement pour une élite.
Vision partagée : collaborer pour aller plus loin
La biologie synthétique prospère lorsqu’elle est collaborative. SynBio Future a réuni entrepreneurs, chercheurs, investisseurs et philanthropes autour d’une vision commune. Genopole, en tant que biocluster, cultive depuis longtemps cet esprit en fédérant entreprises, laboratoires et plateformes technologiques.
Les plateformes d’innovation ouverte comme iGEM ou HGP-write permettent à une diversité de talents d’influencer la trajectoire du domaine.
Les investisseurs comme Newfund et XAnge ne financent pas uniquement des startups : ils soutiennent un avenir où santé, durabilité et équité sont des priorités. Les acteurs philanthropiques comme RAISE Sherpas montrent comment des financements orientés impact peuvent aligner la biologie synthétique sur les besoins sociétaux plutôt que sur les seules forces du marché.
Comme le résume Gilles Trystram, Directeur Général de Genopole : « L’avenir est biologique, mais il doit se construire ensemble. »
La collaboration, c’est aussi gérer la circulation d’idées et d’outils… de façon sécurisée. Dans un monde où un corps humain contient plus de 200 milliards de cellules microbiennes, et où l’IA peut désormais concevoir de nouveaux organismes, la vigilance est indispensable.
Biosécurité : protéger l’avenir
La puissance de la biologie synthétique s’accompagne de risques significatifs. Modifier des génomes, créer des organismes ou manipuler des virus ouvre des questions cruciales de biosécurité.
Le panel SynBio Future a souligné l’urgence d’une gouvernance proactive : les réglementations doivent évoluer au rythme de la science. Des initiatives comme le cadre mondial de l’OMS pour une recherche en sciences de la vie responsable posent des bases, mais elles ne suffisent pas.
Des approches inspirées des travaux d’Elinor Ostrom peuvent aider à gérer les ressources biologiques partagées. Transparence et dialogue public sont essentiels pour prévenir les abus et maintenir la confiance.
La pandémie de COVID-19 nous a montré à la fois la puissance de l’innovation biologique (vaccins à ARNm) et la vulnérabilité des systèmes globaux. La biologie synthétique doit défendre autant qu’elle innove.
Et à cela s’ajoute un nouveau phénomène : la confrontation IA vs IA, où les mêmes outils peuvent concevoir des solutions de défense… ou des agents menaçants. La bio-hybridation — la fusion du vivant et du numérique — ouvre la voie à des avancées inédites, mais aussi à des risques encore mal connus.
Nous devons anticiper et préparer ces futurs possibles, avec des défenses aussi inventives que la nature elle-même.
La voie à suivre : appel à l’action
- Pour libérer le plein potentiel de la biologie synthétique, nous devons :
- intègrer l’intentionnalité dès la conception, avec des évaluations d’impact éthiques ;
- renforcer la collaboration en brisant les silos entre science, industrie et société civile ;
- consolider la biosécurité via des systèmes mondiaux de surveillance et une formation éthique des chercheurs ;
- impliquer et éduquer le public, pour démocratiser les bénéfices comme les risques.
Comme le rappelle Carlos Silveira : « Nous n’ingénierons pas seulement du vivant… nous façonnons l’avenir de l’humanité. »
Nos choix d’aujourd’hui définiront l’héritage de la biologie synthétique pour les générations futures.
Un avenir conçu ensemble
Les événements de la BIOWEEK et iGEM2025 ont montré à quel point l’écosystème biotech est dynamique, pionnier et résolument tourné vers l’avenir.
Rassembler des acteurs du monde entier pour nourrir une vision commune n’est pas seulement utile – c’est essentiel.