En trois ans, la SEM (Société d’Économie Mixte) Genopole a traversé une période intense marquée par les difficultés récentes du secteur biotech, les besoins croissants d’adaptation et un renouveau entrepreneurial. Son directeur général, David Bodet, revient sur la manière dont la SEM accompagne les entreprises dans ce contexte mouvant.
Vous observez aujourd’hui des difficultés très contrastées dans l’écosystème biotech. Dans ce contexte, quel est le rôle de la SEM auprès des entreprises implantées sur Genopole ?
David Bodet : « Notre rôle repose d’abord sur un principe simple : rester au plus près des entreprises. Plus nous sommes informés tôt, mieux nous pouvons les accompagner. Depuis trois ans, sous l’impulsion du nouveau Président de Genopole, Stéphane Beaudet, nous avons instauré un dialogue beaucoup plus direct, fluide et transparent. Les dirigeants viennent nous voir en amont des situations compliquées, ce qui permet de mobiliser rapidement les bons leviers que sont le GIP Genopole, les collectivités, les investisseurs et la préfecture de l’Essonne, afin d’identifier toutes les solutions possibles. C’est la force de Genopole de pouvoir mobiliser des partenaires de premier plan pour venir en aide aux entreprises mais aussi pour soutenir leur croissance. »
Que se passe-t-il concrètement lorsque vous êtes averti d’une difficulté ?
David Bodet : « La première étape est de comprendre la nature du problème : s’agit-il d’un accès trop lent à la liquidité, d’un besoin d’adapter la surface locative – qu’il s’agisse d’une réduction ou d’un agrandissement de la surface en m2, d’un retard de commande, d’une levée de fonds qui s’étire ? Une fois le diagnostic posé, nous activons les relais utiles.
Par exemple, lorsque des entreprises attendent le versement de dispositifs publics, l’intervention coordonnée entre la SEM et l’État local peut permettre d’accélérer certaines étapes administratives. Cela donne une réelle bouffée d’oxygène aux startups, leur permettant de franchir un cap.
Ensuite, de concert avec le GIP, nous travaillons avec elles pour identifier les leviers qui leur permettront de continuer à se développer sans mettre en péril leur modèle : adapter les surfaces, accéder à des équipements mutualisés plutôt que d’investir trop tôt, ou réorganiser une trajectoire de croissance devenue trop rapide au regard du contexte actuel. »
Justement, les délais de levées de fonds se sont fortement allongés. Comment accompagnez-vous les entreprises dans ce nouveau cycle ?
David Bodet : « Les levées de fonds ne se bouclent plus en six mois : aujourd’hui, c’est plutôt 18 à 24 mois. Cela crée mécaniquement des tensions de trésorerie. Nous aidons les entreprises à ajuster leur trajectoire : trouver des locaux plus adaptés, éviter la surcapacité trop tôt, recourir davantage à la mutualisation via les plateformes technologiques, accéder aux équipements clés plutôt que les acheter. L’objectif est double : réduire la charge avant la levée de fonds, tout en maintenant la dynamique de croissance scientifique et technologique. »
Au-delà de la gestion des difficultés, qu’est-ce qui attire aujourd’hui les nouvelles startups vers Genopole ?
David Bodet : « Nous constatons effectivement un regain d’intérêt, notamment en bioéconomie, mais aussi de nouveaux signaux positifs dans les thérapies cellulaires et les vaccins. Les entreprises viennent pour trois raisons principales. D’abord, l’écosystème : Genopole, c’est un réseau scientifique, institutionnel et économique unique en France. Les connexions avec la recherche privée, les laboratoires académiques, les autres startups ou les partenaires industriels sont déterminantes. Ensuite, les plateformes technologiques mutualisées, accessibles rapidement : elles permettent aux entreprises de travailler à faible coût avec des équipements de pointe sans investissement immédiat. C’est un levier d’accélération considérable. Enfin, l’agilité immobilière : nous adaptons les locaux très vite, nous transformons les espaces selon les besoins, et nous sommes capables d’accueillir rapidement des projets par exemple en qualification GMP-Like, ce qui est rare en Île-de-France. »
Vous parlez d’un « nouveau monde » qui arrive. Comment décririez-vous l’évolution en cours ?
David Bodet : « Effectivement, un nouveau monde est en train de naître. De jeunes entreprises arrivent avec des modèles plus sobres, plus agiles, mieux adaptés aux contraintes actuelles, et surtout avec un accès précoce au marché. Elles cherchent un environnement capable de les soutenir dans les premières années, ce que permet précisément l’écosystème Genopole.
Notre tâche prioritaire est d’accompagner ces nouveaux porteurs de projet. C’est là que notre travail prend toute sa valeur, sans abandonner évidemment les entreprises installées depuis longtemps. L’équipe de la SEM qui compte aujourd’hui 13 collaborateurs, répartis en trois pôles aux compétences complémentaires, Support administratif et juridique, Patrimoine et Maintenance, accompagne les entreprises dans de nombreux domaines : pilotage réglementaire, gestion stratégique, suivi technique, scénarisation et réalisation des besoins en bâti, continuité de service, sécurité et animation du site. Cette structuration en pôles spécialisés assure une coordination fluide, une expertise pointue sur chaque volet des projets et une capacité d’anticipation essentielle. Ainsi, l’entreprise n’est jamais seule et peut compter sur la mobilisation de toutes les compétences du biocluster. »
Malgré ce contexte, la SEM reste solide. Comment l’expliquez-vous ?
David Bodet : « Parce que l’équipe s’est battue. Nous étions exposés à un risque réel, mais notre maîtrise budgétaire et la dynamique d’accueil des nouvelles entreprises ont permis d’amortir le choc en 2025. Nous avons aussi gagné en réactivité, en proximité avec les dirigeants, en capacité d’anticipation. Cette relation de confiance est essentielle : elle est l’ADN de Genopole. Et c’est ce qui nous permet de tenir, mais aussi d’offrir aux entreprises les conditions de se développer, même dans un cycle difficile.
Le rôle d’une SEM comme la nôtre n’est pas seulement d’offrir des locaux. C’est d’être un partenaire stable au moment où les entreprises affrontent leur période la plus fragile. Anticipation, confiance et agilité sont les maîtres-mots de ce qui permet, même dans un contexte tendu, de continuer à faire naître et grandir un nouveau tissu d’entreprises innovantes.«